Les Bains
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Les Bains
cote BNF : Français 101
Les bains
Par Lealisa, Histoire d'eaux, copie du traité de l'Université du Royaume
Propre comme au Moyen-Age
L'hygiène n'est pas un bienfait des temps modernes. C'est un art qui connut ses heurs et malheurs. Un art que le siècle de Louis XIV méprisa mais que le Moyen Age, en dépit de sa mauvaise réputation, cultivait avec amour. L'eau était alors un élément sacré, un remède, et surtout, un immense plaisir.
On pourrait imaginer, à en juger par le manque de propreté corporelle qui caractérisait les moeurs, il n'y a pas si longtemps encore, que les hommes et les femmes du Moyen Age ne prenaient guère soin de leur corps ; et on pourrait croire que l'hygiène - l'art de bien se porter est une notion récente.
C'est injuste ! Le Moyen Age avait inventé l'hygiène, et bien d'autres civilisations avant lui... Mais là n'est pas notre sujet.
En tout cas, dès le 12e siècle, les sources qui nous révèlent que l'eau faisait partie du plaisir de vivre sont innombrables. Et notamment certains documents tels que les traités de médecine, les herbiers, les romans profanes, les fabliaux, les inventaires après décès, les comptes royaux et princiers. Les enluminures des manuscrits nous permettent également de saisir le geste de l'homme en son environnement et en son temps. L'enluminure, ou miniature, reste le document irremplaçable, dans la mesure oÙ la gestuelle correspond bien souvent au climat psychique ou moral de l'époque qu'elle dépeint ; elle nous livre ainsi une clef parmi d'autres des mentalités de ces hommes et de ces femmes du passé.
Comme nous allons le voir, on se lavait fréquemment, non seulement pour être propre, mais aussi par plaisir.
Le petit d'homme est lavé plusieurs fois par jour, ce qui ne sera plus le cas à partir du 16e siècle. Des milliers de manuscrits illustrent ce bain et de nombreux textes en parlent. Ainsi, Barthélemy l'Anglais, Vincent de Beauvais, Aldébrandin de Sienne, au 13e siècle, par leurs traités de médecine et d'éducation, instaurent une véritable obsession de la propreté infantile. Le bain est donné "quand l'enfant ara assez dormi, ci le doit-on laver trois fois par jour". Les cuviers sont bâtis aux dimensions d'un nouveau-né allongé ; généralement ils sont ovales ou circulaires, faits de douelles de bois. Dans les milieux princiers, ils peuvent être métalliques. Ainsi, dans les Chroniques de Froissart, en 1382, il est écrit que, en pillant le mobilier du comte de Flandres, on trouva une "cuvelette où on l'avait d'enfance baigné, qui était d'or et d'argent". Certains cuviers possèdent un dais, sorte de pavillon de toile nouée au sommet d'une perche de bois qui surmonte la cuve, afin de protéger l'enfant des courants d'air ; ce raffinement est réservé aux milieux aristocratiques. Dans la plupart des miniatures, on voit toujours la mère ou la servante tâter l'eau avant d'y tremper l'enfant car elle doit être "douce et de moyenne chaleur". On ne donne pas le bain à l'enfant sans prendre quelques précautions : le cuvier est placé devant la cheminée où flambe un bon feu ; la sortie de bain est assez grande pour bien envelopper le bambin. Elle est toujours à fond blanc même si, parfois, des rayures et des franges l'agrémentent.
le bain de l'enfant
Un moment important de la journée : le bain de l'enfant.
La servante vérifie de la main la température de l'eau,
qui doit être "douce et de moyenne chaleur".
Fresque de Menabuoi, Padoue, baptistère.
La fréquence des bains s'explique par les valeurs curatives qu'on leur attribue. "On le baigne et oint pour nourrir la chair nettement", dit Barthélemy l'Anglais, auteur du Livre des propriétés des choses qui fut diffusé jusqu'au 17e siècle avant de sombrer dans l'oubli.
A l'instar des coutumes de l'Antiquité, le premier bain de la naissance est un rite de reconnaissance par la communauté familiale. A l'époque chrétienne, on peut dire que le baptême de l'enfant nouveau-né a repris à son compte la gestuelle de l'hygiène néonatale à cette différence près qu'il s'agit de débarrasser l'enfant non plus de ses mucosités, mais du péché originel.
De toute façon, que l'usage en soit symbolique ou matériel, l'eau est considérée sous l'aspect bienfaisant et purificateur.
A l'âge adulte, les bains semblent tout à fait intégrés à la vie quotidienne, surtout à partir du 14e siècle.
Dans les centres urbains, au bas Moyen Age, chaque quartier possédait ses bains propres, avec pignon sur rue. Il était plus facile, pour la plupart des gens, d'aller aux étuves que de se préparer un bain chaud chez soi. Au point du jour les crieurs passaient dans les rues pour avertir la population que les bains étaient prêts : " Seigneurs, venez vous baigner et étuver sans plus attendre... Les bains sont chauds, c'est sans mentir " (fin du 13e siècle). Le souvenir de l'importance des étuves dans les moindres villes d'Europe subsiste encore, aujourd'hui, dans le nom de certaines rues.
A Paris, en 1292, la ville compte 27 étuves inscrites sur le Livre de la taille ; elles existaient avant cette date puisque Saint Louis essayait déjà de réglementer le métier en 1268. On ne sait pas exactement à quel moment se sont créés les premiers bains. Seraientils un avatar des thermes romains ? On sait qu'à l'époque carolingienne, les palais renfermaient des bains, ainsi que les monastères. Il semble cependant plus vraisemblable que la mode des bains ait été remise en honneur en Occident par l'intermédiaire des croisés, qui avaient découvert avec émerveillement l'Empire romain d'Orient et ses habitudes d'hygiène héritées de l'Antiquité romaine. Ayant pris goût à la relaxation du bain, ils rapportèrent en Occident cette pratique de bien-être.
Aux 14e et 15e siècles, les étuves publiques connaissent leur apogée : Bruxelles en compte 40, et il y en a autant à Bruges. Bade, en 1400, en possède une trentaine. En France, en dehors de Paris, on sait, grâce à des études faites par J. Garnier et J. Arnoud, que Dijon, Digne, Rouen, Strasbourg sont équipées de bains. Une petite ville comme Chartres en a cinq. Ces établissements sont extrêmement florissants et rapportent beaucoup d'argent. Dans plusieurs villes de France, certains d'entre eux appartiennent au clergé !
A l'origine d'ordre essentiellement hygiènique, il semble qu'au fil des ans cette pratique ait pris un caractère plaisant prétexte à toutes sortes d'agréments galants.
Etuves publiques.
Des couples, après avoir festoyé autour d'une table,
installée dans un imense cuvier rempli d'eau,
se dirigent vers les chambres à coucher.
La prostitution, malgré les nombreux édits qui l'interdisent,
sera l'une des causes de la disparition progressive des étuves.
Manuscrit de Valerius Maximus.
Alatariel- Admin
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